L’ennemi (in)visible

Affronter la contamination chimique et le racisme environnemental sur l’île de Maré

Abstract

A partir d’une ethnographie sur l’île de Maré dans la Baie de Tous les Saints au Brésil, cette présentation part d’une réflexion sur l’usage anthropologique de catégories émiques telles que « racisme environnemental » dans l’analyse de conflits sociaux qui engagent les questions sanitaires et environnementales. Considérée administrativement comme un quartier de Salvador, l’île présente une infrastructure sanitaire faible dans l’ensemble de ses quartiers et espaces, où vit une population modeste et en quasi-totalité noire de peau, dont de nombreux quilombolas, descendants de noirs marrons. Par ailleurs, les eaux qui la baignent ainsi que l’air environnant sont pollués par les rejets industriels et chimiques, constants ou accidentels, du Port d’Aratu et d’un centre industriel incluant une raffinerie de pétrole, situés à proximité, et qui datent des années 1950. Les leaders locaux dénoncent cette situation comme étant une expression du « racisme environnemental » et se dressent en défenseurs des droits et des territoires des quilombolas et des pêcheurs. Or la perception au quotidien du danger sanitaire n’est pas partagée de façon unanime par les habitants de l’île et ne débouche pas toujours sur les mêmes interprétations. La catégorie de « racisme environnemental » a clairement une portée politique et se trouve absente des discours de beaucoup d’insulaires, moins impliqués à ce niveau de la vie politique et sociale. Nous mettrons la notion de racisme environnemental en perspective avec les multiples interprétations de la contamination chimique invisibilisée. Pour ce faire, la réflexion proposera de problématiser la question de la preuve de la contamination et de penser ses traces et ses marques, notamment sensorielles (fumées, odeurs, etc.), à partir desquelles l’invisible est nommé, des causes identifiées, des coupables désignés.